DECANIS

DECANIS, Liberté, égalité, fraternité au Collège Jean-Giono, La Rose

Les établissements qui accueillent des enfants polyhandicapés de la région de Marseille travaillent en liens étroits depuis de nombreuses années. Il y a 6 établissements qui sont rattachés à 3 associations (ARI, UNAPEI AP, ARAIMC). L’URIOPSS assure la coordination des projets communs.

La question de l’enseignement pour les enfants polyhandicapés est un sujet déroutant et qui peine à être pris au sérieux. Il est rare que des enseignants spécialisés soient nommés dans des établissements. Jusqu’à une période très récente, les classes externalisées n’existaient pas. Le modèle d’intégration ne franchissait pas la norme établie d’un enfant intégré dans une classe dite ordinaire.

La logique inclusive est un véritable défi quand il s’agit de la mettre à la mesure du polyhandicap. Les prérequis (Communication Alternative Améliorée par exemple) concernent tout autant les enfants polyhandicapés que les enseignants et les éducateurs. Pour enseigner il faut pouvoir / savoir communiquer. Le temps nécessaire à la communication n’est pas intégrable à une classe "ordinaire". La capacité de résistance de l’enfant polyhandicapé n’est pas adaptée aux rythmes scolaires.

Or, les enfants polyhandicapés, en particulier, et les personnes polyhandicapées en général, ont de réelles capacités. Elles sont encore, et c’est choquant, largement sous estimées, mises à distance, délibérément ignorées. Le sujet est grave. Il est rarement abordé avec le sérieux et la sérénité qu’il mérite.

Lorsque les 6 établissements EEAP (Envol, Calanques, Cote bleue, Tamaris, Figuiers, Decanis de Voisins) ont projeté l’ouverture d’une classe élémentaire (UEE polyhandicap Audisio) dans une école du 14ème arrondissement de Marseille, il s’agissait moins de vouloir convaincre que de parvenir à se faire comprendre. Tout enfant a droit à l’accès à la connaissance, dans le cadre de notre propre ignorance, très souvent insondable. L’humilité est le premier chemin à emprunter pour la rencontre de la personne polyhandicapée. Les savoirs et les certitudes ne conduisent jamais très loin.

Le pas fut franchi à la rentrée 2019. Depuis, un enseignement y est dispensé comme dans toutes les classes, les enfants polyhandicapés sont devenus des élèves, le Conseil Départemental finance leur trajet scolaire, ils partagent la cours de récréation, ils sont présents aux fêtes, ils se chamaillent avec les autre.... sous le regard vigilant d’un éducateur pour deux ou trois enfants, c’est vrai ! Mais les enfants en général sont-ils laissés sans surveillance ?

Avec le temps les enfants grandissent. L’Education Nationale nous met face à nos incohérences, ce n’est pas le moindre de ses mérites. "A 12 ans on ne va plus à l’école primaire".
Soit ! Allons au collège.
Ce qui fut fait en décembre dernier.

Le format de la classe polyhandicap est le même que pour l’école primaire : un enseignant, un éducateur pour deux ou trois jeunes, 6 jeunes maximum en simultané dans la classe, deux demi-journées de scolarisation par semaine et par jeune.

Tous les enfants et adolescents polyhandicapés ne peuvent pas bénéficier de cet enseignement. Il faudra, dans les temps à venir, penser la présence d’enseignants spécialisés dans nos établissements. Le milieu dit ordinaire n’est pas prêt, loin de là, pour faire face aux besoins liés au polyhandicap. Il est possible qu’un jour ce soit le cas. Le chemin est long pour y arriver et le sens de la responsabilité et de l’éthique humaine ne permettra pas d’attendre. L’accès à l’enseignement est un droit.

Pour l’essentiel, c’est-à-dire là où commence le travail avec les enfants, je laisse la parole à ceux qui œuvrent au quotidien auprès des enfants. Non sans leur dire ma profonde gratitude, ainsi qu’à tous ceux qui innovent et ouvrent les portes plutôt que de les maintenir hermétiquement fermées. Le travail effectué auprès des enfants polyhandicapés commence à être reconnu. Ce n’est qu’une nouvelle dynamique qui se met en place. Il reste encore bien des scepticismes à convaincre. Nous sommes prêts à accompagner ces enfants pour qu’ils trouvent leur place dans ce monde où les systèmes se substituent à la réflexion et à l’intégration.

Jean – Luc MOREY,
Directeur EEAP Decanis de Voisins, Marseille.

Le 8 Décembre 2022, une nouvelle aventure commence pour certains jeunes de l’EEAP Decanis de Voisins et d’autres adolescents venant d’autres établissements marseillais.

Une classe UEEP (Unité d’Enseignement Externalisée Polyhandicap) ouvre au Collège Jean Giono, à La Rose, un quartier du 13° arrondissement de Marseille. Il s’agit de l’unique unité polyhandicap dans notre région. Le Professeur Planche prend en charge les cours tout au long de la semaine, avec disponibilité et l’esprit grand ouvert. Les élèves y participent, selon leurs capacités et leur état. L’organisation a été longue et tous les moyens prévus ont pu être mis en place.

Ce n’est que la première étape d’un long chemin vers l’inclusion scolaire et la désinstitutionalisation. Dans le secteur médico-social, il est question de changements majeurs dont nous voulons être acteurs avec nos doutes et nos compétences, nos inquiétudes et nos espoirs. Nous demandons à que ce projet puisse bénéficier des moyens les plus adaptés, vu l’innovation et l’importance qu’il mène.

Cette aventure est un défi et une grande responsabilité que nous assumons avec enthousiasme et avec l’apport de tous : enseignants, éducateurs, parents, élèves ....

La rencontre avec le monde ordinaire est parfois longue et laborieuse pour certains élèves en situation de polyhandicap. Pourtant, l’accueil au Collège Jean-Giono a été des plus propices depuis le début, et des échanges réguliers, avec la classe Ulis, la classe de musique et la classe de sport sont possibles.

Au collège "ça bouge" : des chorégraphies, du slam, des contes animés, de nouvelles rencontres au quotidien dynamisent les cours et permettent d’intégrer aisément le cadre pédagogique qui est plus rigoureux que celui que les jeunes connaissent dans les structures spécialisées. Ils peuvent se mettre en jeu dans des situations inconnues et grandir. Ce qui prouve déjà tout l’intérêt de cette expérience.

Néanmoins, la question qui œuvre en nous et que nous souhaitons poser au plus large nombre de personnes possible, est la suivante : "Comment faut-il accueillir une personne polyhandicapée à l’école dans les meilleures conditions et comment faire en sorte que sa présence ait du sens pour elle et puisse en outre contribuer à enrichir la vision que la société a du monde et de la complexité de l’être humain ?"

A travers de cette première expérience dans le milieu scolaire ordinaire, nous ne voulons pas apporter de réponses. Nous voulons faire remonter d’autres questions bien plus spécifiques, et bien plus pertinentes auxquelles répondre avec des propositions concrètes car le chemin entrepris est exigeant et doit être préparé avec compétence, créativité et beaucoup d’honnêteté. Ce qui est déjà clair pour nous, est que nous continuerons à chercher du sens et que nous participerons activement à construire ce futur inclusif dont nous avons rêvé.

Barbara GUSSONI avec l’aide précieuse du Professeur PLANCHE et Francesca SALERNO,
Es Marseille, 28 Mars 2023