EEAP Decanis

Rencontre parents des jeunes enfants avec le psychologue
01 juillet 2024
 

 

Rencontre parents des jeunes enfants avec le psychologue

Cette rencontre de fin d’année entre les parents des enfants des groupes AMBRE et ÉMERAUDE a pu être riche d’échange et de réflexions. Une dizaine de mamans ont pu y assister et prendre le temps de se raconter, de raconter leur enfant et d’écouter les paroles les unes des autres. Retour a été fait sur l’année écoulée, sur leur vécu de parent au travers des inquiétudes mais aussi des moments d’apaisement.

L’enjeu est simple dans la forme : écrire un mot résumant l’année passée.

Le fond engage un récit, une série d’événements traversés avec plus ou moins de difficultés, tout au long de ces mois de Septembre 2023 à Juillet 2024, à résumer dans ce mot.

Ensuite, il y a tirage au sort, et discussion.

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Nous avons pu en premier lieu parler d’apaisement. Le récit qui en est fait est celui d’un lien à une équipe qui peut être tant inquiétant, que rassurant. Là se joue un enjeu majeur : quel regard cette équipe pose-t-elle sur ma position maternelle ? Le professionnel qui conseille, tant sur le plan éducatif que médical, borné à son regard expert, peut oublier qu’en face de lui quelqu’un interprète, guette le regard, se questionne, avant même qu’on ne s’adresse à elle, sur ses gestes et sa capacité à être une bonne mère. Cette question arrive dès la naissance. « Suis-je une bonne mère si je mets au monde un enfant trop vulnérable ? » L’enjeu n’est pas du côté de la guérison, mais du côté de l’acceptation et de la rencontre. L’enfant parfait n’arrive jamais. Que l’on soit touché par le handicap ou pas. La mère parfaite n’existe pas. Que son enfant reste vulnérable toute sa vie ou pas. Tout enfant vient au monde dans une situation de dépendance et de fragilité extrême. C’est ensuite que se joue ce qui dépend du « proche secourable » que constitue tout parent d’un nouveau-né : fais-je ce qu’il faut, avec mes moyens et mes connaissances, pour remplir ses besoins, quand je peux les identifier ?

L’apaisement face au regard des équipes vient d’une absence de jugement de leur part. « Nous sommes des experts éducatifs, médicaux et paramédicaux, mais nous ne sommes pas vous. Et vous faites ce que vous pouvez avec ce que vous voyez. En revanche, si nous ne savons pas être vous, nous avons tout de même un savoir à vous partager. » Il ne s’agit pas, ni pour la mère, ni pour l’équipe, de savoir mieux que l’autre. Il s’agit de savoir ce que ne sait pas l’autre. C’est là qu’intervient le regard croisé. Ce qu’on appelle l’Alliance thérapeutique. L’enfant est au centre. Chacun identifie ce qu’il ne sait pas. Et ce qu’il sait. Alors l’enfant est gagnant.

Alors peut venir l’apaisement. Il y a une mère, incontestée, qui peut faire appel à une équipe, venue l’aider.

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Nous avons pu parler de progrès. Les progrès d’un enfant à vivre en collectivité, communiquer et apprendre au sein de l’établissement, mais aussi en Unité d’Enseignement Externalisée grâce à une enseignante très investie et une disponibilité particulière des équipes. Il faut savoir célébrer les victoires même quand le combat est de longue durée, à perpétuité. Parce que combattre, ça n’est pas que perdre. Cela demande tout de même d’oser choisir son combat. Motricité. Expression. Compréhension. Cognition. Autant de champs de bataille à conquérir sans pouvoir gagner toujours. Alors le choix s’impose : où se situe le progrès ? Quelle bataille choisir, à cet instant ? C’est autant à la mère qu’à l’enfant d’y répondre. De répondre avec ses moyens. Proposer. Essayer. Et laisser le choix final à l’enfant de montrer qu’il y a un lieu au-delà du progrès où il dit tout simplement « j’existe, maman », sans non plus faire de la performance un but unique.

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Nous avons pu parler d’adaptation. L’entrée en E.E.A.P. est une épreuve pour les familles. Peut-être plus que pour leurs enfants, qui montrent souvent des capacités d’adaptation sensorielles et physiologiques phénoménales, dès leur plus jeune âge. La transition est parfois bancale, entre un monde de la petite enfance inclusif, où le handicap peut se faire plus discret autant du côté du regard de l’autre que du vécu dans le foyer, et un établissement étiqueté du handicap dans son nom même.

C’est l’inconnu. Et l’inconnu est toujours angoissant. Qui va s’occuper de mon enfant ? Qu’a-t-il fait de sa journée, résumée par une phrase dans son cahier de liaison ? Comment travaille l’équipe ? Mon enfant se sent-il bien là-bas ? Autant de questions nécessitant des réponses. Si l’inconnu est toujours angoissant, il faut faire connaissance. Aller rencontrer l’équipe, aller voir le lieu d’accueil, aller participer à des activités, aller échanger le plus possible avec les professionnels : autant d’enjeux à pouvoir connaître, et apaiser l’appréhension d’un lieu aussi imposant qu’un E.E.A.P. Il faut mettre du savoir sur cette angoisse, pour éviter de trop fantasmer ce qui peut bien ou mal se passer. L’imagination peut devenir la pire ennemie de parents inquiets. Alors il faut ramener les choses à la réalité, en allant voir de soi-même, en discutant avec les équipes, en faisant connaissance avec l’institution, pour se représenter du mieux possible ce qu’il s’y passe, et comment le personnel y travaille.

Cet inconnu peut-être assez souvent précédé d’une période d’attente, d’espérance en même temps que d’appréhension. Y aura-t-il une place disponible pour accueillir mon enfant ? Mais cette place vient symboliser la réalité du handicap, illustrée par la condition même de son obtention. C’est une ambivalence fébrile. Ni tout à fait une bonne nouvelle, ni tout à fait une mauvaise.

Ambivalence qui évoque à certaines les premiers rapports au monde médical dans un contexte de diagnostic difficile, ou inexistant. C’est qu’il vient pousser le savoir médical dans ses retranchements, le polyhandicap. Il peut être tout aussi douloureux pour un médecin d’accepter de dire « Je ne sais pas » quand la société attend de lui qu’il sache, que pour un parent d’entendre « Je n’ai aucun doute » de la part de tel autre médecin à propos de son enfant. La première confrontation au savoir médical et à ses limites peut être, et est trop souvent d’après les familles, mal accompagnée sur un plan psychologique.

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« Le plus important c’est l’entraide », dit une mère. Mais l’entraide aussi est teintée d’enjeux. Du côté des familles, il est parfois impossible, dans le brouillard de la découverte de la condition particulière de son enfant, d’avoir le recul nécessaire pour demander de l’aide et pour se renseigner sur les options possibles et les droits accordés aux parents dans leur situation. L’institution vient jouer un rôle primordial en les informant, pour autant que ce soit amené au rythme des parents d’une manière à ce qu’ils puissent entendre ce qui est dit et proposé, toujours pris par le choc, encore en train d’accuser le coup de ce qui vient de leur tomber sur la tête.

Ils en ont du courage, ces parents. Parfois peut-être même trop, au point de refuser toute aide. Il me semble capital, dans ce cas, de pouvoir se questionner sur la raison de ce refus.

« C’est à moi de réparer mon enfant. »

« C’est à moi de porter ce poids. C’est ma pénitence. »

Faire pénitence ne préserve pourtant pas de n’être qu’un humain et d’avoir ses limites face à l’impossible réparation. C’est là qu’intervient l’entraide. L’entraide est l’émanation intemporelle d’une société humaine quand elle tente l’impossible.

L’institution a alors à tenir une position adaptée, celle du tiers de confiance dans la relation du parent à l’enfant. Un cadre institutionnel clair et rassurant s’oppose à une intrusion dans la relation parentale : poser le cadre, c’est savoir dire quand on peut, et quand on ne peut pas. Savoir poser la limite qui dessine le rôle de l’institution dans cette relation d’entraide : « hors de cette limite je ne suis plus en mesure de vous aider ». Tant l’institution que les parents ont alors à se faire connaître l’un de l’autre, chacun avec sa culture, son savoir, ses limites. Une seule conclusion s’impose : pour s’entraider, il faut se connaître.

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Merci à tous les parents pour leur participation à cette rencontre de fin d’année. J’espère avoir su à minima retranscrire ce qui a pu être partagé entre nous en cette occasion. J’espère aussi pouvoir y rencontrer quelques pères désireux de parler.

Nous nous reverrons bientôt, à la rentrée.

Romain CARO,
Psychologue Clinicien.

 

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