La réunion plénière du Comité d’Ethique de notre Association s’est tenue au siège, le 29 novembre 2024 sur le thème suivant :
« Quelle est la frontière entre le juste soin et l’acharnement thérapeutique lorsque la fin de vie d’une personne accompagnée est médicalement pronostiquée ? Comment évaluer si les soins sont justifiés et comment savoir si ces soins relèvent d’une obstination déraisonnable c’est-à-dire d’un acharnement thérapeutique ?
Pour repérer les problématiques éthiques et tenter d’y répondre à partir de situations cliniques autant que possible, nous nous sommes obligatoirement appuyés sur le cadre légal et règlementaire. En parallèle, nous nous sommes soutenus par les définitions du juste soin en y associant les définitions des soins de support et des soins palliatifs.
Que dit la loi ?
Loi du 9 Juin 1999 qui vise à garantir, pour tous, le soulagement de la douleur et à des soins palliatifs de fin de vie.
Loi du 4 mars 2002 dite LOI KOUCHNER : Droit au refus du traitement pour le malade et institution du droit à une personne de confiance.
Loi de 2005 dite LOI LEONETTI qui interdit l’obstination déraisonnable c’est-à-dire l’acharnement thérapeutique même si cela a des conséquences vitales. Mise en place de la rédaction de directives anticipées qui permet au malade d’énoncer ses volontés pour sa fin de vie lorsqu’il ne sera plus en mesure de le faire lui-même. Maintien du droit aux soins palliatifs.
Loi N°2016687 du 2 février 2016 dite LOI CLAEYS-LEONETTI : Les directives anticipées demeurent valides sans condition de temps et s’imposent au médecin. Le patient peut demander une sédation profonde et continue jusqu’au décès. Ce droit est strictement encadré. Pour y ouvrir droit le patient doit présenter des souffrances insupportables et réfractaires aux antalgiques les plus puissants. Son pronostic vital doit être engagé avec un décès inévitable et médicalement programmé à court terme, c’est-à-dire de quelques heures à quelques jours selon la définition de la HAS (Haute Autorité de Santé). Comme en 2005, la décision de sédation profonde est validée en décision collégiale par les soignants pour vérifier si la situation médicale du patient correspond bien au cadre légal.
Quand peut-on qualifier le soin de juste ?
Ce soin sera qualifié de juste s’il est pertinent sur le plan thérapeutique, s’il est efficient, si la qualité des relations interpersonnelles sont basées sur la confiance, le respect de la dignité, l’écoute, l’information en s’assurant au mieux de la compréhension du patient. Idée d’une continuité dans la notion de soin avec un protocole de soin adapté à la situation clinique du patient, à ses besoins et à son histoire de vie.
Que sont les soins de support et les soins palliatifs ?
Les soins de support : Ces soins sont délivrés dans toutes les disciplines en complément du traitement principal : Ce sont les traitements antidouleurs, les prises en charge nutritionnelles y compris de façon artificielle, les prises en charge orthopédiques fréquente dans notre secteur, l’accompagnement psychologique, social et familial, les soins de réadaptation, de bien- être, de confort etc.
Les soins palliatifs sont prodigués aux patients qui souffrent d’une maladie grave et évolutive engageant à terme le pronostic vital lorsque les traitements spécifiques de cette maladie n’apportent plus aucun bénéfice, ne sont donc plus curatifs et sont arrêtés. Ces soins accompagnent le patient autant que nécessaires pour son bien-être .Pour info : Les équipes de soins de support et de soins palliatifs sont pluridisciplinaires (médecins spécialistes de la douleur, psychologues, infirmiers et aides-soignants tous spécialement formés.) Ces équipes sont mobiles, interviennent dans les institutions, à domicile ou sont présentes dans des unités dédiées.
Au cours de cette rencontre des situations cliniques complexes ont été exposées et nos échanges ont mis en exergue les problématiques suivantes :
Quel usage des traitements au sens médical et paramédical quant à leurs effets indésirables, lorsqu’ils impactent de façon continue la qualité et le confort de vie ?
Lorsque la personne en situation de handicap ne peut pas ou plus se prononcer, quelles sont les limites qui relèveraient d’un acharnement aussi bien du côté médical que du côté des familles lorsque domine la pensée de prolonger la vie d’un être cher coûte que coûte ?
Quelle place pour les soignants, lorsque la douleur exprimée de façon quotidienne ne peut pas être soulagée car les traitements médicamenteux ou de support en sont à l’origine, et qu’ils sont nécessaires pour éviter d’engager le pronostic vital ? Comment éviter la sensation récurrente d’être maltraitant ?
Questions sur la délivrance d’un soin juste sur le plan institutionnel lorsque aucune prise de risque n’est tolérée ?
L’expression d’une souffrance est-elle comparable à une demande d’aide directe lorsque le langage articulé est impossible ?
Quid des ressentis des soignants qui sont soumis à des émotions vives lorsqu’un résident qu’ils connaissent bien, brusquement décompense avec un pronostic vital engagé ? Malgré les gestes techniques souvent acquis de longue date, ils s’inquiètent et culpabilisent : Crainte massive de donner la cuillère qui peut être fatale lorsque les troubles de déglutition sont majeurs, peur de n’avoir pas su voir les signes avant-coureurs de la dégradation de l’état de santé etc.
Constat d’écarts entre les demandes ou exigences des familles et les positions cliniques des soignants quant à la nature des soins à prodiguer, qui peuvent être sources de tensions inévitables. Il existe une obligation de responsabilité et un courage éthiques du côté des soignants face à la dissymétrie de la relation. (« Je ne peux pas ne pas décider »)
Quid de l’émotion des familles et comment les accompagner ?
Quid de la position des personnes accompagnées qui ont, elles aussi, leur mot à dire face à ces situations cliniques extrêmes ? Il importe de se rappeler que l’enfant n’appartient pas à ses parents …
Comment aborder toutes ces questions avec les personnes concernées et leurs familles ? Les réunions collégiales entre professionnels puis avec les familles sont une ressource essentielle pour tenter ensemble de répondre à la complexité de ces situations hautement sensibles et critiques.
Constat réjouissant sur le plan clinique : Lorsque des soignants se réunissent de façon collégiale pour tenter de trouver des solutions à la douleur réfractaire d’un résident, que ce dernier soit au courant ou pas , que l’on ait trouvé une solution ou pas, très souvent le résident peut subitement aller mieux comme s’il avait été porté par les désirs, à son sujet, de tous les soignants réunis ensemble et dans son intérêt.
Pour conclure cette communication :
Selon Emmanuel LEVINAS « Il y a dans la souffrance, une absence de tout refuge » (Le temps et l’autre. Paris PUF 1994 page 55)
Pourtant, dans cette pratique clinique de l’extrême, une forme de refuge peut être créée en se réunissant et en se parlant ensemble, pour tenter de réduire toutes formes de souffrances, physiques, psychiques, morales et / ou spirituelles, en tenant compte du cadre légal qui interdit l’obstination déraisonnable, en prenant appui sur les connaissances scientifiques , en accueillant les désirs et les émotions de chacun avec le profonde conviction de ne pas être en capacité de décréter ce que l’autre a envie de vivre .
Le Comité d’Ethique de l’ARAIMC, heureux de collaborer avec chacun d’entre vous, vous souhaite de belles fêtes de fin d’année.
Véronique SACLIER, Présidente du Comité d’Ethique de l’ARAIMC
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